collège Philippe de Vigneulles (Metz)

les enfants d'Izieu

C' est en mars 1943 que Sabrina et Miron Zlatin ont ouvert la maison d'Izieu.
Rien ne les préparait à créer un « home » d'enfants. Miron était ingénieur agricole, Sabrina, peintre, mais infirmière militaire depuis le début de la guerre. Jeunes étudiants, ils avaient fui la Pologne, rêvant d'un pays sans pogrom, sans antisémitisme. D'un pays où les Juifs sont des citoyens comme les autres. Et bien sûr ils avaient choisi la France, la terre de la Révolution et de la déclaration des droits de l'homme.
Mais les choses s'étaient très vite gâtées : naturalisés depuis peu,ils durent abandonner leur exploitation agricole dans le Nord, à Landas, et fuir en Juin 1940 devant les blindés allemands qui enfonçaient les lignes françaises à une vitesse terrifiante.
Ils gagnèrent la zone sud et s'installèrent dans une petite ferme près de Montpellier. Sabrina travaillait comme infirmière à l'hôpital militaire jusqu'au jour où elle fut renvoyée parce qu'elle était juive.
A Montpellier, Sabrina Zlatin entend parler des camps d'internement tout proche d'Adge et de Rivesaltes. Comme elle n'a peur de rien, elle s'engage comme assistante sociale à la préfecture et décide d'arracher les enfants des camps. La loi autorise à sortir ceux qui ont moins de quinze ans à condition qu'ils aient un « certificat d'hébergement » délivré par la préfecture. Or justement à la préfecture de Montpellier, MM. Benedetti et Friderici font tout pour aider les Juifs et fournissent les certificats nécessaires à la libération des jeunes internés. Munie de ces précieux papier, Sabrina va deux à trois par semaine à bicyclette ou en camionnette chercher les petits à Agde puis à Rivesaltes. Rien n'arrêtait Sabrina Zlatin. Quand les enfants n'avaient pas de permis ou qu'ils avaient dépassé l'âge légal, elle graissait la patte des gardiens et les sortait quand même. Et comme la préfecture de l'Hérault était bienveillante et donnait généreusement les précieux certificats, Sabrina Zlatin ouvrit avec l'O.S.E. une maison d'enfants à Palvas où les petits rescapés des camps étaient acceuillis, soignés, épouillés, lavés avant d'être dirigés vers l'une des nombreuses maisons d'enfants de L'O.S.E. en zone libre.
En novembre 1942, la zone libre est occupée. Les Allemands sont partout. Une antenne de la Gestapo s'installe à Montpellier. L'O.S.E. évacue la maison de Palvas, et emmène une partie de ses protégés dans un château, près de Lodève. Le bureau de Montpellier est précipitamment fermé et Sabrina se heurte un jour à une porte close. Que faire ? Une quinzaine d'enfants et quelques moniteurs venus de Palvas ne savent pas où aller. Miron et Sabrina se sentent pris au piège. Ecrasés par la charge de ces enfants qui s'accrochent à eux. Mais comment les abandonner ? Eux dont la vie n'a été qu'une longue suite de séparations et d'angoisses ? Il faut faire face. Poursuivre le sauvetage commencé dans les camps. Trouver des caches à l'abri des Rafles. Et vite.

En mars 1943, Miron et Sabrina Zlatin accompagnés de trois ou quatre monitrices arrivent enfin à Izeu avec une quinzaine d'enfants. Le petit noyau grossira vite : les maisons de l'O.S.E. sont presque toutes fermées, la chasse aux Juifs s'intensifie, les enfants à cacher sont de plus en plus nombreux et les Zlatin héritèrent à Izeu de ceux qui n'ont pas pu être recueillis au milieu chrétien. L'été 1943, la grosse ferme abritera jusqu'à soixante pensionnaires ! Les arrivées et les départs se succèdent et, de mars 1943 à avril 1944, près de cent enfants ont trouvé refuge à Izieu. Ils restent quelques semaines ou quelques mois, rarement plus longtemps. Les plus chanceux sont repris par leur famille quand elles ont trouvé un endroit sûr. D'autres sont placés par Sabrina Zlatin dans des collèges catholiques de Montpellier ou de Lyon. Certains grands sont emmenés en Suisse grâce aux éclaireurs Israélites ou à des filières de L'O.S.E. A Izieu les enfants mangeaient à leur faim.



Miron sillonnait le pays avec sa remorque accrochée à son vélo et allait de ferme en ferme acheter ce qu'il fallait pour nourrir sa nombreuse marmaille. Pierre Marcel Wiltzer, le sous-préfet de Belley, avait obtenu pour eux une vingtaine de cartes d'alimentation. L'U.G.I.F. Envoyait de l'argent mais les denrées étaient rares et les enfants trop nombreux. Nourrir, rassurer, jouer, chante, câliner, fêter les anniversaire, raconter des histoires le soir : il fallait faire de cet exil une vie presque normale. Et pour cela, assurer la scolarité des enfants.
Le 6 avril au matin la colonie était au grand complet pour ce premier jour des vacances de Pâques. Léon Reifman était allé chercher Max Balsam et Maurice Gerenstein à la sortie du collège de Belley. Fritz Loebman, un adolescent d' Izieu qui travaillait depuis quelques semaines dans la ferme de Lucien B., était rentré à la colonie pour le week-end. Le coup de filet de Barbie sera fructueux. Et pour cause. Tout porte à croire que Barbie, ou l'un de ses hommes, a été « renseigné » par ce Lucien B., un agriculteur lorrain installé depuis 1942 à Brens, à quelques kilomètres d' Izieu. Et c'est donc le 6 avril 1944, que quarante-quatre enfants juifs ont été raflés à Izieu, un village de l'Ain où ils se cachaient avec leurs éducateurs. Dans la grande maison à la lisière des bois, ils avaient retrouvé les occupations et parfois même les rires de leur âge. Jusqu'à ce matin de printemps où deux camions surgirent sur la terrasse. Ils furent tous exterminer à Auschwitz.





Quarante-quatre enfants voulaient vivre. Quarante-quatre espoirs. Quarante-quatre promesses. Corps calcinés. Réduits en cendre. Quel était leur crime ? Etre nés juifs.

« Le voyage sans retour des enfants d' Izieu » de Catherine CHAINE édition GALLIMARD

1.U.G.I.F : (union générale des Israélites de France), fondée par le gouvernement français en novembre 1941 sous la pression des allemands. Tous les Juifs français et étrangers evaient s'y inscrire. Et toutes les associations juives de bienfaisance devaient y adhérer. Le rôle de L'U.G.I.F fut complexe et controversé.